Bonjour, moi c’est Emma et j’aimerais vous raconter mon histoire. À l’époque, j’avais 16 ans et j’étais en amour, tellement trop en amour avec le beau Carl. C’était l’homme parfait, je l’avais enfin trouvé. Nous avions plusieurs années de différence d’âge, mais ce n’était pas grave, il m’aimait et c’est tout ce qui comptait.

Nous nous sommes rencontrés «grâce» à Annabelle, une personne de confiance qui travaillait dans l’école pour adulte que nous fréquentions. Nous formions le couple parfait, le couple dont tout le monde était jaloux. Nous étions toujours, toujours, toujours ensemble. Après un mois, nous avons emménagés ensemble. Après tout, c’est ça l’amour? L’amour c’est bien de faire en sorte que nous avons toujours quelqu’un qui nous surveille? Qui se méfie des autres hommes, ainsi que de ma famille? L’amour, c’est aussi couper les ponts avec toutes les personnes «nuisibles»?

Ça faisait environ 5 mois que je sortais avec Carl, quand une conseillère a demandé à me rencontrer seule. J’étais un peu étonnée, j’ai donc décidé de cacher le rendez-vous avec Brigitte à mon amoureux.

Brigitte m’a demandé si je connaissais le Centre de femmes l’Érige, je ne le connaissais pas, mais elle m’a donné une carte avec un rendez-vous là-bas la journée même. Je ne savais pas pourquoi, mais j’ai quand même décidé d’aller à mon rendez-vous avec une certaine Julie.

L’ambiance était un peu étrange «moi qui va voir une femme que je ne connais pas, dans une maison inconnue, sans le dire à mon chum».

Je ne savais pas trop quoi dire, jusqu’à ce qu’elle me montre :

  • Violence psychologique : ton conjoint (ami, compagnon, «chum», etc.) te reproche constamment des choses. Il t’empêche de parler aux autres gars. Il contrôle ta tenue vestimentaire. Il décide de tout pour toi. Il a des regards menaçants. Il brise intentionnellement des objets auxquels tu tiens. Il te considère comme inférieure à lui. Il menace de se suicider quand tu parles de rupture.
  • Violence verbale : Il s’énerve facilement pour n’importe quelle raison. Il crie après toi ou après les enfants. Il te dénigre : les autres sont toujours mieux que toi. Il te menace ou il fait du chantage. Il adopte un ton de voix agressif ou il s’adresse à toi d’une façon irrespectueuse.
  • Violence économique : Il contrôle ton argent et/ou tes sources de revenus. Il t’empêche de travailler. Tu dois lui demander de l’argent à chaque fois que tu veux acheter quelque chose. Il t’incite à t’endetter. Il t’oblige à tout payer. Il critique tes dépenses. Il t’incite à faire du travail malhonnête pour en retirer le maximum d’argent (prostitution, vente de drogues, etc.).
  • Violence sociale : Il limite les contacts avec tes ami-e-s ou ta famille. Il t’empêche de sortir sans lui. Il t’humilie devant les gens. Il critique constamment tes ami-e-s ou ta famille.
  • Violence sexuelle : Il te harcèle sexuellement (lève ta jupe, étire ton soutien-gorge, te déshabillent des yeux, etc.). Il te fait des attouchements (te pince une fesse, un sein, etc.). Il t’agresse sexuellement (tentative de viol, viol, etc.). Il te force à avoir des relations ou des pratiques sexuelles non désirées.
  • Violence physique : Il te secoue. Il te serre les bras. Il t’écrase contre un mur. Il t’immobilise. Il t’empêche de sortir. Il t’attache. Il te pousse, te gifle, t’égratigne, te tire les cheveux, te brûle, te mord ou te frappe. Il te crie dans les oreilles. Il te donne des coups de poing et des coups de pied. Il t’étrangle. Il te réveille la nuit. Il te lance des objets ou te blesse avec une arme ou un objet.

À peine 5 minutes plus tard, elle me montre un cycle :

  • Phase 1 : Climat de tension
  • Phase 2 : crise
  • Phase 3 : justification
  • Phase 4 : lune de miel

Je me suis immédiatement reconnue dans 4 types de violences (psychologique, verbale, économique et sociale)…

Mais pour moi la violence conjugale c’était des coups de poing, des coups de pied. Et ce n’était pas du tout ça avec lui. Je l’aurais reconnu, je me suis fait battre étant plus jeune et je connaissais les signes, du moins je croyais les connaitre…

Ç’a été très dur à accepter. Car, je n’avais plus d’argent, plus d’amis et plus aucun contact avec ma famille. Pour compliquer le tout, je ne pouvais pas vivre dans une maison d’hébergement pour femmes victimes de violence conjugale parce que j’étais mineure.

J’ai menti à plusieurs reprises à Carl pour aller voir Julie. Après quelques semaines, je me suis sauvé en douce. Cette journée-là, il m’avait interdit d’aller à l’école, parce que mon ancien petit ami était à l’école (comme tous les lundis et les mercredis). J’ai fait 2 petites valises et j’ai appelé mes grands-parents. Ils ont accepté de venir me chercher et que je revienne vive chez eux.

J’ai supprimé mes profils sur les réseaux sociaux, j’ai commencé à me faire appeler autrement et j’ai changé de ville.

En plus de devoir fuir mon ancien beau-père violent, je devais fuir un homme que j’aimais de tout mon cœur. L’homme qui m’avait aimé, rassurer et qui était là quand j’étais seul…

Pendant plusieurs semaines, tout ce que je voulais, c’était l’appeler pour qu’il vienne me chercher et qu’il me dise qu’il m’aimait. Une chance que Julie me soutenait et me comprenait.

Sans l’aide de Brigitte et de Julie, j’aurais pu rester là très longtemps.

Peu de personnes dans mon entourage sont au courant de ce que j’ai vécu, mais j’ai décidé de vous en parler aujourd’hui, parce qu’il est très important de reconnaitre les signes. Personne n’est à l’abri de la violence conjugale. Parfois, ça commence si subtilement, ils prennent des petits morceaux de nous et nous n’en sommes pas conscients, jusqu’à ce que nous soyons une tout autre personne…

Emma, 21 ans